Baudelaire, Le Vieux Saltimbanque, Commentaire composé

Publié le par asoftmadness

Le Vieux Saltimbanque, Le Spleen de Paris, Baudelaire

 

 

 

=> il faut insister d’avantage et faire ressortir la problématique générale, à savoir que Le Vieux Saltimbanque s’inscrit dans la vision du poète moderne par excellence : cf. la définition de Baudelaire sur la modernité (la modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art dont l’autre moitié et l’éternel et l’immuable »)

 

 

Introduction :              

 

Le Vieux Saltimbanque est le 14ème poème du recueil Spleen de Paris de Baudelaire, publié dans les années 1860.

Faisant partie des fameux ‘Petits Poèmes en Prose’, il s’inscrit dans un travail stylistique nouveau : celui de la prose.

Toutefois, dans le Vieux Saltimbanque on retrouve un thème cher à Baudelaire comme à tant d’autres : celui de la condition de l’artiste.

Ici, Baudelaire nous le fait voir, l’artiste, dans son rapport au temps, aux gens et à la vie.

De manière superficielle, le poème présente par le regard du narrateur un vieux saltimbanque laissé pour compte au milieu d’une foule qui s’agite et fait la fête autour de lui.

 

Avant de développer une perspective d’étude, je passe à une lecture partielle du texte afin d’envisager plus concrètement le déploiement de la question.

 

 

 

(Facultatif : elle est obligatoire pour une explication orale mais non pour un commentaire oral)

 

LECTURE

 

De « Tout n’était que lumière… » à la fin

 

 

 

 

Plan/ problématique :            La question sera de savoir comment par la prose, Baudelaire brosse le tableau d’une fête foraine double et comment il fait la critique de la société par l’image de la fête et du vieux saltimbanque,  pour aboutir à la condition de l’artiste.

 

 

 

 

I.                    L’usage de la prose amène un travail stylistique nouveau, une écriture nouvelle.

 

Le narrateur se pose comme un flâneur dont le regard est interpellé par ce qui se passe autour de lui.

Tout d’abord, il met une certaine distance entre sa personne et les actants de la fête, avec l’emploi du terme ‘peuple’. Le ‘pour moi’ renforce cette distanciation.

Le narrateur ‘n’absorbe’ pas comme les autres l’atmosphère de la fête mais il se pose en observateur  il « passe en revue toutes les baraques »

La fête est comme un spectacle qui s’offre à ses yeux. Cela est rendu par le vocabulaire même avec par exemple le verbe « pavaner ».

Mais le narrateur est également un observateur

 

                                                   un analyste

 

                                                   un moraliste

 

 

→ Cette hétérogénéité fait l’esthétique du poème en prose.

 

Dès le départ on aborde le texte de manière neutre en étant convié à des considérations générales. Mais le poème se termine, après un parcours d’observations et d’analyses, par une moralité ou tout du moins par un retour du narrateur-moraliste.

Quelque soit son statut, le narrateur reste présent tout au long du texte.

 

Sa présence et ses différents statuts apportent un rythme nouveau relativement caractéristique de la prose.

 

● La prose par son rythme et sa musicalité rend compte de ce qui est décrit. On en a l’exemple avec la découverte du vieux saltimbanque. La précision spatiale « Au bout, à l’extrême bout de la rangée… » marque l’expérience d’un véritable choc, souligné par les émotions violentes que le narrateur nous fait partager : il parle en effet de « gorge serrée » ou de « larmes ».

 Dans le 7ème§ ce qui rythme la prose est relativement probant : c’est la multiplication du pronom « il ». Le caractère anaphorique de cette multiplication met le « il » au centre de notre regard et de notre oreille. On a là un rythme plus sensible qui permet de créer une émotion. Ce « il » prépare le mot « hystérie » qui suit. On note également dans ce passage une profusion de sonorités en ‘i’ témoignant d’une sorte d’angoisse qui se met en place. Le terme « hystérie » marque alors l’acmé de la crise.

 

→ On est là dans un travail du langage qui permet de suggérer l’émotion de manière progressive.

 

Et ce travail du langage se trouve être utilisé ici non plus dans une perspective purement stylistique mais dans un but relativement précis. La description de la scène générale que donne la fête à voir en est l’exemple.

 

 

II.                  En effet, le tableau que brosse le narrateur présente une fête double à bien des égards.

 

Celle-ci est décrite par un poète au regard un tant soit peu moderne et qui n’est plus le simple décrypteur dans symboles de la Nature. Le poète narrateur se pose désormais également comme on a pu le voir, en tant qu’analyste et moraliste.

 

→ La description de la fête est ici au service d’un point de vue critique.

 

 

Des jugements de valeurs implicites transparaissent à travers le registre ironique : on a des comparaisons ironiquement valorisantes comme « le comique solide et lourd » des clowns attribué à Molière, l’escamoteur qui apparaît tel un dieu, les Hercules qui exhibent leurs difformités tels des orangs-outangs ou encore, les danseuses comparées à des « fées » ou des « princesses » mais dont les actions « sautaient et cabriolaient » rappellent plutôt celles des chèvres. De plus, les allitérations en ‘r’ tout au long du développement de l’analogie des Hercules et les liquides en ‘è’, ‘l’ et ‘s’ pour les danseuses censées rendre compte de leur caractère, renforcent l’ironie du poète. Les allitérations volontaires sont là comme des harmonies imitatives qui traduisent d’une part une certaine grâce et légèreté des danseuses en contraste avec d’autre part, la lourdeur et la balourdise des Hercules précédemment évoqués.

 

Tout ceci reste au service d’un regard critique et ne fait que souligner un certain pathétisme de la scène vis-à-vis de la trivialité inhérente au peuple.

L’odeur de friture présentée comme « l’encens de la fête » ramène bel et bien ce peuple festoyant à la vulgarité dont il espère s’échapper.

 

Baudelaire semble se moquer de l’admiration portée par les spectateurs et souligne l’artifice, la fausse grandeur des numéros qu’il réduit à l’illusion. Tout n’est qu’éphémère. L’assertion « Tout n’était que lumière, poussière… » rend parfaitement compte de cela : la négation restrictive « n’était que » met l’accent sur le peu de chose que cette fête est finalement : la lumière renvoie à l’éblouissement et à l’illusion, la poussière à ce qui disparaît, qui n’est rien de concret, et également à ce que l’on peut avoir dans les yeux et qui nous empêchent de voir. Le spectacle n’est qu’une poudre qu’on cherche désespérément à se mettre dans les yeux. De plus les accumulations d’actions comme « piaillaient, beuglaient, hurlaient », les accumulations d’éléments comme « mélange de cris, de détonations de cuivre et d’explosions de fusées » marquent l’idée d’une dépense extraordinaire et appuient l’idée de frénésie.

 

→ Une frénésie et un non contrôle quasi-total qui tendent vers l’immoralité. C’est en effet sous ce caractère là que le narrateur tend à décrire la fête et avec elle, la société.

 

     

● Le comportement de la foule est tout d’abord bestial : cette dernière semble en effet comme abandonnée à un instinct et à des pulsions primaires. Les métaphores empruntent des éléments animaliers ; on a des « baraques » rappelant les baraquements des animaux, les danseuses associées aux chèvres ou encore les enfants qui « se suspend[ent] aux jupons » et « mont[ent]sur les épaules » tels des singes. Mais on a aussi de manière plus parlante, les verbes en eux-mêmes : les gens « piaillent » comme des bêtes de basse-cour,  « beuglent » comme un troupeau de bovins et « hurlent ».

Cet instinct primaire se retrouve dans l’aspect avide du comportement de la foule. On a déjà évoqué la frénésie qui semble s’emparer de la foule par les accumulations descriptives, mais on a également un caractère monétaire relatif à cette frénésie : « les uns dépensaient, les autres gagnaient ». On est dans une fête où l’argent circule.

 

La fête semble présentée comme une consommation des êtres et des choses. Le spectacle même est une nourriture consommée placée alors sous le signe de l’éphémère.

 

 

Cette condamnation de la fête est de plus largement amplifiée par la composition du texte :

 

● Durant tout le récit, deux univers, celui du monde en général et celui de l’artiste, s’opposent dans leur description. Baudelaire en racontant la fête annonce par l’ironie un renversement total des valeurs. La valeur antithétique des deux univers est clairement soulignée par les adverbes ‘partout’ et ‘ici’ qui marquent le fossé entre la société et l’artiste. L’adverbe ‘partout’, relatif à la société connote de plus une certaine idée de profusion et de multitude ; contrairement à ‘ici’ a un caractère beaucoup plus particulier, isolé et renforce d’autant plus la condition marginale de l’artiste. Mais l’opposition apparaît de manière récurrente tout au long du texte :

-                            la lumière vive et intense de la fête s’oppose à la lumière faible des deux bouts de chandelles

-                            le tumulte de la fête s’oppose de même au silence du vieux saltimbanque. Du point de vue de la structure d’ailleurs, on retrouve ramassé en quelques lignes de manière négative les caractères de la fête. La pauvreté du langage relatif à la situation du saltimbanque contribue au maintient du contraste.

-                            La vitalité, l’énergie, l’animation et l’activité s’opposent à l’immobilité

-                            La foule, le nombre, la multitude et la profusion s’opposent à la solitude

-                            Le gain et la joie s’opposent à la misère, à la détresse et au spleen

-                            Le caractère éphémère s’oppose à la situation durable que sous entend le narrateur en parlant de ‘destinée

-                            L’illusion et le spectacle s’opposent à la réalité

-                            Et enfin, l’espérance s’oppose à l’abdication.

 

Tout cet aspect illusoire du spectacle est dénoncé par la réalité crue et la misère qui entourent le vieux saltimbanque. Au déguisement et à l’apparence répond en quelque sorte le drame intérieur du vieux saltimbanque : il est déchu, incompris et miséreux. Aux lignes 30, 31, 32, il apparaît comme le négatif de l’acteur. Il n’a plus d’expression et apparaît comme un être ayant abdiqué. Le vieux saltimbanque est alors comme un roi détrôné et dépossédé. IL est seul et isolé, attire le regard justement par le contraste que son état introduit dans le décor. Le poète narrateur lui-même un tant soit peu marginalisé de par le fait qu’il ne participe pas pleinement de l’effervescence autour de lui, se reconnaît dans cette figure du vieux saltimbanque. → Le statut de celui-ci prend alors une envergure toute autre, quitte à en faire une véritable figure emblématique.

 

 

III.               En effet, le saltimbanque est principalement montré dans son contraste d’immobilité. Et c’est cela qui attire et arrête le regard sur lui.

 

● Le poète semble développer une très grande sympathie vis-à-vis de lui et le portrait devient subjectif.  On voit que l’émotion est touchée au vif. Il y a là un moment existentiel dans le sen où une certaine fusion entre les deux hommes s’accomplit. Tout au moins dans un sens car le poète voit dans la personne du vieux saltimbanque l’image allégorique de l’homme de lettres : la marginalisation , l’incompréhension du grand public, la misère, la solitude extrême, la douleur tragique du rejet sont autant de points communs qui permettent cette confusion.

 

● Mais ceci va encore plus loin puisque les premières lignes du dernier paragraphe montre bien que le narrateur tire une méditation de cette vision allégorique.

La fin du texte est une véritable réflexion sur la place que le poète voudrait occuper. Il veut se rapprocher de l’humanité souffrante mais n’a pas le bon geste à temps. Une idée de séparation avec le monde se manifeste. Enfin, il termine par une idée d’ostracisme. L’homme de lettres, par analogie avec le vieux saltimbanque est un étranger, un poète hors du monde. Dans le paragraphe final, la baraque du vieux saltimbanque apparaît comme un lieu qui n’est plus ni en accord avec la société matérielle, ni propice à l’inspiration poétique. La baraque est là une extériorité qui ne peut nourrir une intériorité.

 

 

 

 

 

 

Conclusion :    

 

 

 

 

                                   A travers le poème du Vieux Saltimbanque, Baudelaire nous livre une fois de plus la misérable condition de l’artiste, abonné ou plutôt condamné à la marginalité. L’usage de la prose permet un travail nouveau de la question, par l’intervention permanente du narrateur qui se place tantôt en observateur, tantôt en analyste, tantôt en moraliste. La dimension est relativement nouvelle puisqu’on ne reste pas dans la perspective d’une quête ou d’une désolation ou d’une contemplation. Le poète tire une réflexion profonde de ce qu’il nous narre. La fête foraine et le vieux saltimbanque ont une portée allégorique, dans laquelle prennent place la société et l’artiste. Toutefois la condition de celui-ci ne change guère : elle rejoint en plus noir peut-être un portrait que Baudelaire avait brossé dans le dernier quatrain de l’albatros, à savoir :

« Le poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »

 

Seul change peut-être le thème : le Vieux Saltimbanque s’inscrit en effet dans une dynamique moderne, et l’on retrouve par la fête une thématique relativement urbaine. Celle-ci est à l’opposé des sources d’inspirations antiques et de l’idéal baudelairien. Mais elle est en revanche une manifestation de la tentation de l’homme à se détacher de sa condition, engendrant inévitablement l’échec. La fête foraine, par l’échec donc mais également par son caractère éphémère et son inconsistance, ramène au Spleen et à la tristesse.

 

Publié dans lettres

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Bonjour! PRÊT ENTRE PARTICULIER<br /> Nous sommes des particuliers dirigée par Mr MARTEL qui octroient des prêts financiers entre particulier sans difficulté sans protocole. Donc si vous avez besoin de prêt pour la réalisation d'un projet, pour relancer vos activités ou pour acheter un appartement mais vous êtes interdit bancaire ou votre dossier à été rejeté par la banque. Nous sommes des particuliers qui octroient des prêts à toutes personnes capable de respecter les conditions. Notre taux est de 2% l'an.Informez ceux qui sont dans le besoin. Notre adresse est<br /> Email: jpmartel2020@outlook.fr<br /> Email: jpmartel2020@outlook.fr
Répondre